Aurélie Seiller, diététicienne et amatrice de kebab

Le 07/12/2009 à 14h02 - Interview

Diététique et kebab font rarement bon ménage, à ce qu'il parait...

Pourtant, nous avons rencontré Lili-One, qui va nous montrer que ce n'est pas aussi simple ! Une jeune femme passionnée par son métier de diététicienne, et qui apprécie un bon kebab de temps en temps ! Incroyable mais vrai !

Pouvez-vous vous présenter, et nous décrire votre métier ?
Je m'appelle Aurélie Seiller, je suis diététicienne, une profession méconnue, qui est trop souvent perçue comme étant l'art de faire des régimes amaigrissants. Pourtant, il n'en est rien. La diététique, c'est la science du bien manger ! Être diététicien, c'est être un technicien de la santé, avec une écoute profonde des gens, et une connaissance toujours en évolution de l'alimentation. Être gourmand ou gourmet est un impératif !

En quoi un diététicien se différencie d'un nutritionniste ?
nutritionniste-dieteticienLa première chose est la dimension légale : le diplôme et le titre de diététicien sont protégés par la loi. Le titre de nutritionniste, non : il n'existe pas de formation à proprement parlé pour être nutritionniste.
Il faut ensuite différencier le nutritionniste simple du médecin-nutritionniste. Contrairement au nutritionniste, le médecin-nutritionniste a une formation médicale commune aux autres médecins, renforcée par un module d'enseignement en nutrition.
Le médecin-nutritionniste et le diététicien sont supposés être complémentaires. Le médecin-nutritionniste connait les maladies, leurs implications sur le fonctionnement du corps de la personne, et peut traduire cela en terme de prescription médicale, tandis que le diététicien a les connaissances pour transcrire cette prescription en éléments applicables concrètement par la personne, en terme d'aliments et de quantités d'aliments.

En tant que diététicienne, que pensez-vous des fréquents reportages qui prennent toujours en exemple le kebab comme la "bombe calorique" par excellence ?
Comme certains ont pu le lire ici (ou pas !), je n'ai pas une bonne opinion de ces types de reportages. Ils partent souvent d'un postulat (exemple : "le kebab est une bombe calorique inhygiénique") et orientent donc leur discours dans ce sens. On sent très vite en général que le parti pris s'est fait à la base même du reportage. Le dernier en date par exemple n'a pris l'avis que d'un seul "spécialiste" (un nutritionniste d'ailleurs...), qui s'exprimait contre. Il manquait son pendant en faveur du kebab pour être vraiment sans parti pris et être vraiment un reportage d'information. En plus, la comparaison faite manquait du classique de la restauration francaise : le steak-frites, qui n'est pas moins calorique qu'un kebab... voire pire.

Interdisez-vous le kebab aux personnes qui vous consultent ?
Je travaille dans un hopital où 75 % des patients ont plus de 70 ans, ils n'ont en général pas en tête de manger un kebab par semaine ! Blague à part, j'ai eu en effet quelques patients adepte du kebab qui se sentaient désespérés par avance de la consultation car ils craignaient que je leur interdise ce genre de plat. Il n'en est rien. Le kebab en lui-même ne présente pas de contre-indication demandant une interdiction stricte. C'est sa fréquence de consommation qui est à contrôler.

Le kebab est-il plus sain que le MacDo, comme on aimerait le croire ?
nutritionniste-dieteticien- Commençons par le plus évident : mesurer la quantité de légumes dans n'importe quel sandwich de McDo ou Quick, et comparer avec celle d'un kebab. C'est le premier point. D'autant que le kebab propose plusieurs légumes différents : outre la salade verte, on retrouvera aussi du chou, de l'oignon, des carottes et de la tomate, dont l'intérêt pour la santé n'est plus à démontrer. En plus, ces légumes sont crus : il s'agit d'un apport intéressant en fibres et en vitamines.

- Voyons ensuite la viande : il s'agit le plus souvent de dinde, une des viandes les plus maigres. Le veau qui peut y être ajouté est tout aussi maigre. C'est moins vrai pour l'agneau, mais il est assez rare pour que ce soit négligeable. Dans les autres fast food, il s'agit de boeuf, plus gras par nature. L'autre fast food faisant large usage de volaille, KFC, ne peut pas faire le poids, puisque le poulet est pané et frit.

- Le mode de cuisson aussi est intéressant : la cuisson en broche verticale fait que la graisse a tendance à s'écouler sans carboniser (à ce titre d'ailleurs, on préfèrera les viandes coupées à la commande plutôt que celle qui a attendu au pied de la broche), contrairement aux grills qui peuvent noircir, ou la friture qui imbibe en profondeur l'aliment.

- Que dire de la sauce ? Le plus souvent, il s'agit de yaourt, courant dans la culture Turque, et plus maigre que les sauces industrielles le plus souvent. On ne peut cependant pas dire que celle ci fasse grandement pencher la balance en faveur du kebab : la quantité de sauce y est 2 à 4 fois plus importante que dans un Big Mac par exemple.

- Enfin, le féculent... En fast food, on parle de frites. Dans un kebab, c'est le pain. La légende urbaine qui dit qu'un kebab est plus nourrissant qu'un menu de Quick ou McDo trouve sa source scientifique ici : les matières grasses ont tendance à induire une sécrétion d'insuline. Cette hormone sert à régler la quantité de sucre, carburant principal du corps, dans le sang. Si on produit beaucoup d'insuline parce qu'on a mangé un repas riche en graisses, le sucre du sang va aussi diminuer, c'est à dire qu'on aura moins de carburant. Le corps va donc nous dire qu'il faut recharger les batteries : on va avoir faim. Les frites sont cuites dans l'huile, et sont donc plus grasses que le pain du kebab. De plus, la portion de frites est nettement plus petite que la portion de pain du kebab. Ces deux éléments font que le kebab est plus intéressant dans la durée qu'un autre fast food.

- Cependant, il faut nuancer cette démonstration : la qualité des produits et de la préparation jouent grandement sur les qualités du kebab. Une viande de qualité moindre contient en général plus de graisses. Des légumes qui ne sont pas coupés du jour, voire dans la demie-journée, perdent leurs vitamines (sans parler de l'aspect sanitaire). Et bien sûr, si on associe des frites au kebab, on atteint effectivement le statut de "bombe calorique" !

Quel est la fréquence idéale pour manger un kebab, pour se faire plaisir tout en restant raisonnable ?
La variété est la clé d'une bonne alimentation. Il vaut donc mieux éviter d'en trop manger.
En l'absence de problème de santé spécifique, deux à trois par mois est passable. Une à deux fois par mois est mieux. Ca parait peu, mais ca doit rester un repas d'exception. Qui plus est, avec une surconsommation, le plaisir diminue... Et manger sans plaisir n'est pas favorable non plus à une bonne santé.

Mangez-vous souvent des Kebabs? Avez-vous un restaurant préféré ?
Eh bien je suis mes conseils ! En moyenne, je tourne à un ou deux kebabs par mois. Sans les frites !
Ma référence reste l'Ephese à Mulhouse. Un petit kebab qui ne paye pas de mine, mais qui a gardé sa qualité depuis le premier kebab de ma vie, il y a quand même 14 ans maintenant (punaise... ca passe...)

Le Kebab idéal pour vous, c'est...
Complet, sauce blanche, avec une touche d'agneau.

Une anecdote particulière à nous raconter ?
Un souvenir d'horreur dans un kebab (sois-disant), en face de la gare de Belfort. A court de pain, ils nous on servi un kebab avec... de la baguette. Un cauchemar gustatif. Les mélanges culturels ont du bon le plus souvent. Mais croiser un kebab avec une baguette est une erreur à ne pas faire !

Merci à Lili-One pour le temps qu'elle nous a accordé, et pour ses réponses précises !
Le Docteur Cohen n'a qu'à bien se tenir, M6 pourrait bien trouver ici une remplaçante de choc !


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